COMPTE RENDU DE LA REUNION DE L’ASSOCIATION MAHUZIER AUTOUR DU MONDE

Samedi 21 novembre 2015, de 14h30 à 17h30,
à la maison de Marie Walewska,
7, rue de Montmorency, à Boulogne-Billancourt

Cette date fut choisie pour évoquer la deuxième expédition cinématographique
de la Famille du Tour du Monde en Australie, en 1954-1955,
(Albert et Janine Mahuzier et leurs 9 enfants âgés de 4 ans et demi à 25 ans).
Nous avons aussi fêté les 80 ans de Janine Mahuzier et Geneviève Hirbec,
membres de l’association depuis sa fondation en 1998.

Effervescence au 4, Place des Ecoles : il est l’heure de fermer les portes pour être à 13h30 précises à la salle Walewska. Nous n’avons qu’une heure pour préparer l’arrivée des membres de l’association et des invités (90 personnes au moins) : Janine a terminé, avec l’aide de Katia, ses panneaux résumant le voyage en cartes postales et photos d’archives. Ils doivent décorer les murs de la salle.
Le film monté par Alain est prêt ainsi que le matériel de projection.
Les nappes, flûtes, verres, assiettes, serviettes en papier sont emballées.
Les victuailles sucrées et salées sont prêtes dans les sacs isothermes, les bouteilles de Crémant, d’eau et de jus de fruits attendent dans des cartons pour être mis au frais dans les frigos.
Tout a tenu dans la voiture d’Alain qui se présente à l’heure prévue devant le portail de la rue de Montmorency.

Alain, Katia, Janine, Geneviève, Jacqueline, César, rejoints par Luc, Sophie, Aude et son amie Pascale, Yves et Danièle, Thaïs et Thibault font la chaine pour répartir le chargement entre la grande salle et la cuisine très bien équipée.
Le gardien a heureusement déjà préparé les chaises pour la projection et les tables pour le buffet. Nous n’avons plus qu’à mettre les nappes blanches, placer verres assiettes, pailles pour les enfants , mettre les boissons au frais et déballer les aliments qui devront être réchauffés au four, etc…
L’écran et le projecteur sont installés.

Dès 14h30 les membres de la famille, bravant la pluie, arrivent joyeusement. Nos invités d’honneur, le Maire de Boulogne, Pierre-Christophe Baguet et sa femme sont là. On essaie de calmer les enfants très excités et, dès 15h, Alain peut prendre le micro pour commenter des images en partie inédites. Il est allé les chercher à la cave, dans les cantines d’archives, les a fait transféré en vidéo par un laboratoire spécialisé et les a montées sur son ordinateur (de longues heures de travail !) :

LA FAMILLE MAHUZIER AU PAYS DES KANGOUROUS
1954-1955
Présentation de l’équipe, toujours composée de 11 personnes : Albert et Janine nos parents, Louis, Philippe, Jacqueline, Anne, Janine, Yves, François, Luc et Alain. Avant de partir avec eux, ayons une pensée pour ceux qui ne sont plus là.

L’embarquement se fait en Italie, à Gênes, sur l’Océania, gros navire d’émigrants dont les familles en pleurs agitent leurs mouchoirs sur le quai. Nous sommes nous-mêmes tout émus, plein de compassion pour ces familles qui ne reverront sans doute jamais leur patrie, à la recherche d’une vie meilleure dans un pays si lointain. Nos deux camionnettes, semblables à des jouets, sont halées en plein ciel par des grues qui les font déposent sur le pont arrière.

Quand l’installation est terminée dans les cabines, le chef d’équipe nous réunit sur le gaillard avant, lieu tranquille où nous installons notre quartier général. La vie s’organise : pas question de bronzer au soleil pendant la durée de la traversée qui va durer 24 jours. Janine fait travailler Yves, François et Luc, tandis que notre père dicte ses souvenirs de Résistance à sa secrétaire Jacqueline…

Escales à Naples et Messine, et voici déjà le Canal de Suez qui fait passer un nombre impressionnant de paquebots vers la Mer Rouge et Aden. A Colombo, nous touchons notre troisième continent, L’Asie, après l’Europe et l’Afrique…Djakarta, l’Indonésie, dernière étape avant la fin du voyage.

Nous participons aux distractions organisées à bord. Le passage de la ligne est incontournable, donnant lieu à des déguisements, à toutes sortes de jeux qui se terminent souvent par un plongeon dans la piscine…

Dès l’arrivée en Australie, et notre premier camp à Freemantle au bord de l’Océan Indien, l’été austral nous fait connaître une très forte chaleur, heureusement tempérée par de merveilleux bains. Deux grands sujets de travail ont été prévus par notre père, la faune très riche de ce pays et les Aborigènes. Aussi, pas un instant à perdre, ayons l’œil aux aguets, observons. Et très vite le rire sonore du Kookaburra ouvre la collection : emblème de l’Australie, il ressemble à un gros martin-pêcheur. La caméra a pu le saisir dans un grand eucalyptus au-dessus du camp. Demain, cap vers l’Est.

Nous voici maintenant dans la Nullarbor plain la plaine sans arbre. Seuls des buissons épineux bordent la piste poussiéreuse, bordée de barbelés interminables qui délimitent d’immenses propriétés d’élevage de moutons. Passage de la première grid, ce fameux barrage anti-lapins, dont les mailles s’enfoncent à plus d’un mètre dans le sol. Un vol de perroquets bleus à tête rose nous ravit en rompant la monotonie du paysage.

Premiers kangourous, premiers lapins…1500 kms plus tard changement radical en Australie du Sud : pêchers, abricotiers, vigne (et vin, dont un Claret délicieux). La collection d’animaux s’enrichit chaque jour : l’échidné, couvert de piquants, pond des œufs et allaite ses petits ! Tiens, les cygnes sont noirs dans cette lagune ! Et ce soir les perroquets sont vert et rouge ! Dans la forêt de Sherbrook la caméra arrive à saisir les gracieuses plumes de l’oiseau-lyre…A Philip Island c’est la merveilleuse rencontre avec une famille de koalas, encore un marsupial. Une maman donne des feuilles d’eucalyptus à manger à son petit, le portant sur le ventre ou sur le dos, et nous attendrit complètement.

Nor’West Island, l’île aux tortues, l’île de rêve atteinte au prix d’une queue de cyclone, où nous allons vivre comme des robinsons. Magnifique mer bleue où le calme est revenu, lagon vert pâle, sable d’un blanc aveuglant, et à l’intérieur, une végétation tropicale au-dessus de laquelle volettent des milliers d’oiseaux…pétrels, aigrettes, échasses, barges, hérons et des fous de mer à cape blanche. Le paradis ! Et nous y restons tout seuls pour 10 jours !
Mais nous sommes là pour filmer la ponte des grosses tortues de mer qui à cette époque n’avaient pas encore été montrées sur les écrans. Très vite nous partons à la recherche de leurs traces et de leurs nids, sur la plage où elles viennent déposer leurs œufs une fois par an dans un trou quelles creusent de nuit avec leurs nageoires avant. À la lueur des torches au magnésium la caméra a pu saisir toute l’opération : la montée pénible jusqu’à la lisière supérieure de la plage, le creusement du nid, la ponte de 109 œufs gros comme une balle de ping-pong, l’enfouissement des œufs dans le sable, quelle merveille de la nature ! La courageuse mère, ayant terminé sa tâche, retourne à la mer, l’élément où elle redevient légère, s’éloignant rapidement en sortant régulièrement la tête de l’eau pour respirer. Elle pèse plus de 100 kilos et mesure environ 1m20 de long sur 90 de large. Quelle joie de voir sortir du sable les minuscules tortues qui viennent d’éclore et que nous protégeons des prédateurs qui les déciment (oiseaux, crabes…). Elles ont atteint la mer, elles sont sauves ! Souvenirs enchanteurs, inoubliables.

C’est une expérience peu banale que va nous faire connaître la saison des pluies. Après plusieurs heures de lutte contre les enlisements dans la boue, nous arrivons devant une rivière. Un homme nous arrête à temps pour nous dire de ne pas continuer : la Wandro Creek a 3 mètres de crue au-dessus du pont ! Devant nos mines angoissées, il se présente comme un cantonnier des ponts et chaussées australiens et ne voit qu’une solution : nous réfugier dans leur camp qui se situe tout près. L’intendant nous accueille à bras ouverts et nous prête une grande tente sur caillebotis, nous offrant de la farine et des boîtes de conserve. Nous sommes sauvés. Une queue de kangourou tué à la chasse nous et donnée en met de choix (un peu juste pour 10 personnes !). En remerciement, Anne cuit une tarte dans la cocotte minute et nos hôtes la trouvent succulente.

Saison des pluies signifie moustiques, sandflies (moucherons des sables). À Canonvale, fond de baie idyllique, la collection de coquillages s’agrandit ainsi que les prises de vue des habitants des roseaux, hérons, jabirus, canards et oies sauvages, grues, pluviers et courlis. Le plus joli de tous est le jacana avec sa petite crête rouge et ses pattes si larges qu’il peut marcher sur les feuilles de nénuphars sans enfoncer dans l’eau.

Puis nous bifurquons vers l’intérieur pour monter vers Darwin où nous devons aller faire connaissance des premiers habitants du continent, les Aborigènes. Le bush nous offre ses herbes hautes, moutons, émus (qui ressemblent à des petites autruches), kangourous et ces merveilleux perroquets cacatoès blancs à crête jaune, ou noirs à queue rouge.

DARWIN…Oui nous avons atteint les Territoires du Nord et nous espérons que nous allons vivre un moment humain unique, participer à la vie des Aborigènes. Mais le « nous » se rétrécit à trois personnes autorisées à se rendre sur l’Île de Melville, où se trouve un petit aérodrome près du camp de Milikapiti. C’est là que Papa, Louis et Philippe pourront filmer les populations Tiwis et que les dépose un petit avion loué à Darwin. Grosse déception pour ceux qui restent, mais c’est déjà énorme d’avoir obtenu cette autorisation. Et à force d’entendre les récits des trois privilégiés et plus tard de voir les films et les photos tant de fois, nous aurons l’impression de les avoir accompagnés.

Le chef d’expédition avait emporté son « arme secrète » : notre radeau démontable et gonflable. Grâce à cet engin ludique, motorisé et facile à diriger, les cinéastes furent tout de suite adoptés par la jeunesse Tiwi qui adora aussitôt partir pêcher au harpon avec eux, permettant des prises de vues très vivantes.
Voici qu’est annoncé une grande fête, un corroboree, dans trois jours, à la pleine lune. C’est une cérémonie en l’honneur des morts. Chacun doit préparer des ornements et des déguisements pour cette occasion. Notre père pouvait-il espérer une telle occasion pour son film ?

Les hommes ont déjà commencé à préparer des lances finement sculptées et décorées avec des brindilles trempées dans des couleurs végétales. Sur une clairière désherbée, aplanie et balayée, sont plantés une vingtaine de poteaux sculptés aux formes étranges, rutilants de couleurs, ocre, jaune, brun, blanc, noir, pour les nombreux motifs, pointillés, losanges, hachures, représentant des symboles précis ou des animaux, des têtes d’hommes…

Et la danse commence, long cortège bariolé, hommes, femme, enfants, badigeonnés de signes de la tête aux pieds, au rythme de longs cris étranges scandés par des bâtons à musique frappés l’un contre l’autre. Aux pleurs et aux gémissements succèdent les danses acrobatiques, les hurlements et les mimes de chasse au requin ou au crocodile…jusque tard dans la nuit sous la lune pleine…

Dernière séquence : la chasse au dugong, ou lamentin, sorte de veau marin à la chair très appréciée. Grâce au radeau Mahuzier les pêcheurs aborigènes ont pu l’atteindre avec leur harpon. Avec ses petits yeux minuscules, il ressemble à un fantôme blanc. Il pèse au moins 400 kilos. La caméra détaille les deux nageoires avant et l’énorme queue triangulaire. L’équipe des pêcheurs exulte de joie : le cinéaste pour ses prises de vues et les pêcheurs-chasseurs pour l’excellent repas dont ils vont tous profiter. « Good Tucker », vraiment « bonne nourriture » en argot australien. Et le radeau finira sa vie à Milikapiti pour remercier de l’accueil magnifique aussi bien des responsables de l’île que des aborigènes.

Les images s’arrêtent, les applaudissements et les bravos fusent, Janine remercie Alain, les chaises se replient et les tables se couvrent de jolis sandwichs, cakes, gâteaux et autres friandises. César et ses frères versent le Crémant, on sert les jus de fruits aux enfants affamés. Les discussions vont bon train, on cherche ceux que l’on a pas encore embrassés, les nouvelles circulent, c’est la joie.

Les bougies sont allumées sur les deux gâteaux en forme de cœur, confectionnés pour les anniversaires de Janine et Geneviève auxquels s’ajoute un troisième pour les 4 ans d’Archibald, dernier fils de Romaric.

Quelle belle réunion et que le temps a semblé court lorsqu’un appel du micro annonce que la salle doit être libérée afin d’en effectuer le nettoyage complet avant l’heure limite accordée par la mairie. Rangements, embrassades, départs… La grande voiture d’Alain est rechargée. Belle réussite. A poursuivre…pourquoi pas avec le film sur le Canada ?

Merci à tous de leur présence et de leur participation au buffet. Merci à Alain pour le montage et le commentaire du film, merci à la municipalité pour l’utilisation gratuite de la salle au titre de notre association boulonnaise.

Jacqueline Malvaux-Mahuzier

Photo Alain Baudus

ASSOCIATION MAHUZIER AUTOUR DU MONDE
4 PLACE DES ÉCOLES – 92100 BOULOGNE – FRANCE